Il arrive fréquemment que l’on me dise : « je déteste me voir en photo. Je me trouve toujours affreux·se ». Une photo peut vous ruiner la journée. On s’est vu·e moche, alors ça veut forcément dire qu’on l’est, n’est-ce pas ? Une femme m’a même dit un jour que pendant longtemps elle avait refusé de se marier pour fuir les appareils photos de la cérémonie.
Alors, pourquoi est-ce que c’est si difficile de se voir en photo ?
Entre sourire forcé et lumière douteuse
Dans quel contexte se fait-on prendre en photo ? Le plus souvent, c’est dans des soirées d’anniversaire, des mariages, des photos de famille en groupe. Plusieurs choses sont à prendre en compte.
- Si être pris·e en photo n’est pas une partie de plaisir, cela peut se ressentir et se voir dans notre attitude. Et puis, en visionnant la photo, on se souvient de l’émotion négative et on pourra avoir un a priori qui va fausser notre jugement. Et du coup on redoutera encore plus les appareils photos. Et donc on y sera de plus en plus gêné·e. Bref, c’est le cercle vicieux.
- Ensuite, Le fameux et tant redouté « fait cheeeeese !« aura l’effet au mieux d’un sourire forcé, au pire d’un sourire gêné. Bref, un sourire que jamais on n’a dans la vie de tous les jours. Car ce n’est pas qu’avec la bouche que l’on sourit, c’est aussi avec les yeux, et en fait avec toutes les parties du visage. Rien ne vaut un (sou)rire franc, qui égaye tout notre visage, ce rire que les autres voient mais que soi, on ne voit jamais (sauf si vous vous entrainez à éclater de rire devant votre miroir). Bref, on se sent… cruche.
- Rajoutez à cela une lumière pas toujours très flatteuse (les lumières artificielles, les néons qui font ressortir les « défauts », le plein soleil qui creuse les visages…).
- Ah, et si en plus la photo a été prise en fin de soirée, avec votre fatigue accumulée et votre maquillage qui a coulé, c’est le pompom.
En bref, vous aurez une photo avec un sourire forcé, une posture gênée, l’envie d’être ailleurs, et une lumière de néon qui met bien en avant tout ce que vous n’aimez pas chez vous. Ça donne envie non ? Voilà pourquoi j’estime qu’une photo ne reflète pas ce que vous êtes vraiment.
Entre photo et miroir, un rapport inversé !
C’est aussi important de prendre en compte ce fait : le miroir nous montre à l’envers, par rapport à la photo. La photo, c’est ce que les gens voient. Le miroir, c’est ce que vous voyez, et seulement vous. On apprend tous et toutes à se connaître et se reconnaitre dans le miroir, à se coiffer, à se maquiller, on connait par cœur nos particularités, et BAM la photo vient inverser tout ça et on ne se reconnait plus du tout. Si les êtes humains étaient symétriques ça ne poserait pas de problème, mais c’est très loin d’être le cas. Faites l’essai avec votre téléphone : prenez-vous en photo en mode « selfie » (ça fera un effet miroir), puis en mode photo normal. Vous verrez ! La photo peut aider à apprivoiser notre image, et à faire « travailler » notre cerveau sur la perception qu’il a de notre visage et notre corps. On se rend compte que l’image que l’on s’est fait de nous est en faite mouvante, et pas figée dans nos a-priori.
La photo, c’est pas comme le miroir : ça fige !
Aussi, la photo fige ce qui est mouvant dans la « vraie vie ». Jamais nous ne nous voyons de manière si fixe. Et parfois, une photo vient figer notre visage en mouvement (en train de parler, de mâcher, ou notre corps dans une posture étrange). Et bien sûr, PERSONNE ne nous voit de manière si figée. Alors on déprime sur une image de soi qui est SI furtive que personne ne la voit vraiment en réalité. (Vous connaissez la fameuse blague où si on souffle sur le visage de quelqu’un qui fait une grimace cette personne reste figée comme ça à jamais ?)
La photo « triche ». Mais c’est justement sur cette « tricherie » qu’il est possible de jouer. Cela offre la possibilité de se regarder « vraiment », de se scruter, s’observer. Cela permet de nous rendre spectateur de nous-même. C’est tout bête, mais dans le miroir il est impossible de s’observer les yeux fermés. Vous avez déjà pu voir vos fesses sans vous tortilloner ? Et votre dos, vous savez à quoi il ressemble votre dos ? Quelle idée d’avoir des yeux que devant soi !
Alors c’est comme s’il y avait tout une partie de nous-même à laquelle nous n’avions pas accès, et que la photo pouvait nous aider à révéler. Imaginez donc, une partie de nous-même que l’autre voit, mais que nous ne connaissons pas – et donc ne maitrisons pas ! Et parfois, on craint de découvrir cet inconnu si effrayant.
Une « vraie » séance photo pour apprendre à se voir « vraiment »
C’est pourquoi je pense qu’une séance photo peut être un bon moyen d’apprendre à se voir et à apprivoiser cet objet de tous les maux ( = pas vous, l’appareil photo !). C’est un peu comme prendre le taureau par les cornes : « je ne m’aime pas en photo alors je vais m’y confronter« . Cela demande beaucoup de courage. Mais cette séance sera différente des expériences de prises de vues dans les situations évoquées plus haut, et donc le résultat ne sera pas le même. Ce sera un moment rien que pour vous, un mélange de spontanéité et de poses naturelles, avec des expressions du quotidien (mon but ? essayer de vous faire rire pour avoir des photos de « vrais sourires » !). On prendra le temps qu’il faudra (souvent 1h30 environ) pour que vous réussissiez à être le/la plus à l’aise possible (si si, c’est possible !). On discutera de tout et de rien pour vous aider à « oublier » l’appareil photo.
Honnêtement, j’admire le courage des personnes qui surmontent leurs réticences et osent se lancer. Mais cela veut aussi dire, et surtout, qu’un travail a été commencé, consciemment ou pas. On sait qu’il y a du beau en nous et on cherche à le voir.
Bref, les photos qui en ressortiront seront davantage « vous-même », et vous aurez enfin la possibilité de vous voir en photo de manière nouvelle et différente. Vous aurez aussi d’autres références en tête : lorsqu’une nouvelle photo de vous prise en soirée ne vous plaira pas, cela viendra moins vous « hanter » car vous aurez davantage les armes pour y faire face. Alors cela demande du courage de chercher à voir ce qu’on ne voit pas. Mais quel plaisir de mieux se connaître !